Il y a quelques temps, un soir alors qu'on cherchait un endroit qui change pour aller manger, des amis m'amènent dans un quartier dans lequel je n'avais jamais mis les pieds. Bien qu'en plein centre, l'ambiance du quartier était assez étrange et radicalement différente de celles des quartiers à l'entour, quelques rues avant ce quartier, de nombreux rabatteurs qui attendent debout au milieu de la rue, peu de commerces, à part des magasins de robe d'hôtesses, encore ouverts à minuit passée, des rues assez désertes, quelques prostituées sur les parkings, des gueules de yakuzas... on passe alors devant une maison encerclée de caméras et un ami m'explique que c'est la maison du clan O****o (j'ai préféré ne pas écrire le nom) dont son grand-père (je l'ai appris un peu plus tard) fait partie O_o'
la déco change un peu de celle des lieux où l'on va habituellement....
des petits crabes frits (avec la carapace et les pattes qu'on mange aussi), un délice
De retour à la maison, je raconte cette histoire de quartier et de cette fameuse "maison", et Daiji m'explique qu'il la connait bien : étant plus jeune, alors qu'il faisait un petit job d'été dans une pizzeria, il était le seul employé à oser aller y faire des livraisons et recevait de très gros pourboires (petit rappel : les pourboires n'existent habituellement pas au Japon). Il s'est alors lancé dans une discussion passionnante et sans fin sur l'époque où les yakuzas avaient encore vraiment la main sur la ville. (Je ne pourrai malheureusement pas tout raconter ici). Comment ils se débarassaient des personnes gênantes (en leur plaquant une poêle chinoise brûlante sur le torse, en les moulant dans du plâtre avant de les jeter à la mer, etc... ces faits ont été relatés dans les journaux), comment ils semaient la terreur dans le quartier de Nagarekawa (quartier des bars et des restos et anciennement des prostituées) en courant sur les toits des taxis qui font la file dans l'avenue, un sabre à la main, ...
Et c'est comme ça qu'on a fini par regarder ce fameux film de Kinji Fukasaku qui a fait la réputation d'Hiroshima et de son dialect : Combat sans code d'honneur 仁義なき戦い (Jingi naki tatakai) - 1973.
Ce célèbre film, suivit de 5 autres épisodes, est basée sur l'histoire vraie des guerres de clans de yakuzas qui ont sévit à Hiroshima et Kure à partir de la période chaotique d'après-guerre.
Le film est tiré d'un roman de Koichi Iiboshi, lui-même tiré des notes écrites en prison par Kozo Mino, chef du clan Mino de Kure (personnage d'Hirono). Ce dernier s'était d'abord opposé à l'adaptation de son histoire au cinéma avant de finir par céder.
Par peur des réactions des personnages réels et des autres personnes impliquées (à l'époque où le film est sorti, les faits étaient assez récents), la Toei, qui produisait ce film a décidé de modifier les noms, les lieux, et de brouiller un peu les pistes (par exemple l'histoire du personnage qui se coupe toute la main depuis le poignet au lieu d'une phalange pensant qu'un doigt serait trop peu pour se faire pardonner, est bien réelle mais elle a eut lieu dans un autre clan), malgré tout, les interessés se sont reconnus et certains se sont plaint des déformations que l'on avait fait subir à leur personnage, d'être présentés comme un traitre ou quelqu'un de trop faible, ou même de ne pas apparaître dans le film ! (les 3 derniers épisodes de la série ne sont que des fictions)
Les personnages étant très nombreux et les dialogues longs et omniprésents, j'avoue que j'ai eut un peu de mal à suivre (malgré les sous-titres en anglais, sans lesquels je n'aurais strictement rien pigé) mais j'ai cependant été frappée par l'originalité et la modernité des mouvements de caméra (le film utilisait alors de toutes nouvelles techniques) qui ont, paraît-il, fortement inspiré Quentin Tarantino entre autres. On retrouve d'ailleurs l'un des acteurs de ce film, Sonny Chiba, dans Kill Bill.
Au Japon, les références à ce film sont très fréquentes, notamment à sa musique (que vous avez sûrement déjà entendu) qui est utilisée à tout bout de champs à la télé, dès qu'il est question de yakuza, de violence, d'armes, quand un personnage est en colère, pour annoncer quelque chose d'angoissant, etc.. Le titre est également souvent utilisé dans la presse, et certaines répliques sont devenues cultes.