Ma vie quotidienne à Hiroshima depuis le 28 Juin 2007
Désolée pas très élégant comme titre, mais... nan j’aime bien, ça ira, je garde.
Bon, il se peut que j’aie déjà abordé le sujet, il se peut même que j’y aie déjà consacré un article complet, mais entre les idées d’articles, les notes prises dans un coin de carnet paumé au milieu d’un tas de paperasse en bordel, les brouillons d’articles inachévés et non publiés, je sais plus trop où j’en suis et j’ai la flemme de chercher.
Au pire ça fera un peu de révision pour ceux qui suivent le blog, si ces gens-là existent ("mais oui Juuuud! on le kiffe grrrrrrave ton blog, il est racé!!!!" ha ouf, merci), et un article tout neuf pour les nouveaux qui débarquent..
Donc, ces bars où les gens "d’un certain âge" vont passer des soirées endiablées reposent en fait tous sur le même modèle, le même « concept ».
Il s’agit de très petit bars (capacité 10 personnes maxi), cachés dans les couloirs d’étages d’immeubles des rues animées, ça passerait presque pour des bars clandos pour le coup.
Pas de table, pas de salle, mais un grand comptoir circulaire, étendu en profondeur, de la même hauteur qu’une table et entouré de chaises.
Le style est invariablement « inspiration occidentale de l’ère Showa », bien que ça ne me fasse penser à aucun type de bar vu en Europe ni aux Etats-Unis, ça se caractérise en tous cas par l’absence de déco japonaise et un nom kitsh en ingrish ou franponais (le dernier s’appelait « Papa New Guinéa »). D’ailleurs la déco est plus que sommaire, le mobilier est veillot et tout aussi kitsch que le nom de l'établissemnt, genre buffets (formica, contreplaqué vernis et compagnie, murs en crépi ou tapisserie immonde et fatiguée, faux-marbre, fauteuils en tissu à motifs et couleur de clic-clac d’appart de Cité U) et l’ éclairage plutôt intense.
Le patron ou la patronne, n’est pas là que pour servir les verres ou faire des politesses, mais pour animer la soirée. C’est un peu le G.O. Le ton est d’ailleurs assez familier, et les clients et les patrons sont souvent des amis de longue date (ou en donnent l'impression en tous cas), on sent que les gens qui y vont sont des habitués. (Je ne sais pas si les clients vont dans tel bar parce que le patron est un ami, ou s’il est devenu un ami à force d’y aller, il y a sûrement un peu des 2, et les gens doivent s’échanger les bons plans).
Ce fameux patron ou cette fameuse patronne (souvent une sexagénaire un peu édentée et bouffie par l’alcool mais très soignée côté vestimentaire, un vieux-beau passé à côté de sa carrière de musicien ou d’humoriste reconnu, parfois une grand-mère en kimono, etc... on imaginerait sans problème une Régine ou un Michou derrière un de ces comptoires) participe donc activement aux discussions, lance des blagues, charrie un peu, essaie de faire monter l’ambiance, de créer des liens entres les clients qui ne se connaissent pas encore, peut chanter et jouer de la musique, faire des danses traditionnelles, chanter au karaoké avec les clients et surtout boit de l’alcool avec les invités (oui même les petites grand-mères de 80 ans passés en kimono).
En gros, on a plus l’impression d’être en train de boire des verres sur un coin de table dans la cuisine de Mme Tanaka ou Mr Yamada que dans un bar. C’est le genre de lieu où l’on doit se sentir bien quand on est seul, mais qu’on évitera si on veut faire des confidences à un ami.. (Note : sur internet, lorsqu'on cherche un type de bar, il y a de nombreux critères de recherche dont "bar où on peut aller tout seul")
J’ai eut l’occasion de retourner plusieurs fois dans certains de ces bars, et la clientèle ne semble pas bouger, je suis même sûre qu’ils s’assoient toujours sur la même chaise et ont leur rond de serviette sur un coins d'étagère. Quand mon beau-père arrive il s’y fait souvent accueillir par des « haaa ! professeur ! »
Une pratique qui à l’air courante pour ne pas dire systématque dans ces lieux : on vous ressert automatiquement, dès que votre verre est fini ou sur le point de l’être, pas besoin de commander. Du coup, mieux vaut ne pas les descendre trop vite.
On sert aussi des petites choses à grignoter.
Histoire de ne pas être dépaysé, on est sûr de trouver un équipement de karoké (télé, micro, machines pour commander les chansons, tambourins...) et évidemment le style de prédilection est l’ENKA.
«l 'enka (演歌) : style de chant populaire Japonais datant de l'ère Shōwa. Deux thèmes y sont largement représentés, les chagrins d'amour et le pays natal (« furusato » en japonais) ; par pays natal on entend le village, la ville ou le quartier où l'on est né et où l'on a grandi. Actuellement ce style est surtout apprécié par les personnes d'un certain âge. Ce chant utilise la gamme pentatonique. » nous dit Wikipédia, je n’aurais pas mieux résumé...
Des chansons larmoyantes pleines de vibrato, sur fond de musique vaguement hispanisante sauce bontempi avec des mélodies facilement prévisibles et sur lesquels ces dames et ces messieurs « d’un certain âge » peuvent exprimer leurs talents vocaux et briller un instant en partageant cette nostalgie du « bon vieux temps ».
Le plus drôle là-dedans, ce sont les images d’ambiance sur l’écran de télé : on y voit toujours des clips bien cheap datant du Japon-années-80, des gens seuls ou en couples en train de boire du saké dans des vieux bars de type japonais ou américain avec lumières bleues blafardes.
Comme une amie avait la visite de ces grand-parents il y a quelques temps, nous nous sommes rejoint dans un de ces bars.
Originaires de Kagoshima (dans le Kyushu) et âgés de 82 et 83 ans, ils m’ont littéralement sciée : ils ont bu, chanté (en solo et en duo), dansé jusqu’à plus d’1h du matin !! la grand-mère, qui était très élégante (très mince, visage agréable, coupe soignée, légèrement maquillée, tailleur et chaussures à talon) avait un humour et une répartie incroyables. (l'opposé total de l'obasan mégère, à moitié en pyjama, avec coupe "gorille dans la brume" et visière à fleur)
Après s'être discrètement éloignée du champs de bataille, elle est revenue déguisée avec un sac en papier sur la tête surmonté d’un foulard, un parapluie en guise de canne et un éventail et nous a exécuté une espèce de danse traditionnelle plutôt comique.
Elle m’a encore épaté lors d’un duo avec le serveur (un homme entre 30 et 40 ans qui semble plus tenir un rôle à la Laurent Baffie que celui de serveur d’ailleurs) : à un certain passage de leur duo, alors que les répliques s’enchaînaient assez rapidement, le jeune serveur modifie sans crier gare sa réplique et la grand-mère, sans se démonter, enchaîne du tac-o-tac en lui clouant le bec . (En gros les paroles d’origine c’était : l’homme :« je ne m’éloignerai plus de toi » et la femme : « oui, reste près de moi » ce qui s'est transformé en : lui :« je me barre », elle : « oui, c’est ça casse toi »)
J’ai beau chanter comme un pied, avec l’habitude de fréquenter ces lieux avec mes beaux-parents (qui sont eux aussi de gros fêtards), j’ai 2 morceaux à mon répertoire qui me permettent de faire sensation auprès des mamies dans ce type de soirées :
Une chanson japonaise (la seule que je sais chanter, et autant dire quasiment une des seules que je connaisse) d’Akiko Wada (1972) et « Poupée de cire, poupée de son » de France Gall (1965) qui fut paraît-il un énorme succès au Japon (d’ailleurs c’est l’une des 2 ou 3 seules chansons françaises qu’on trouve sytématiquement dans les karaoké japonais, avec des paroles truffées de fautes).
Et je les fais précisemment dans cet ordre-là : pour la 1ère : surprise générale : "whoua elle connait cette vieille chanson japonaise !!? et en plus elle arrive à lire les paroles en japonais, mais c’est-y pas merveilleux ?!!!"
Puis, le tube français « whaooou ! une vraie française qui nous chante une vraie chanson en français !!!!!! »
Lorsque je m’apprétais à commander ma chanson d’Akiko Wada, le serveur me demande si c’est pas « ano koro wa... » , « non, c’est «ano kané o narasu no wa anata » (cette cloche, c’est toi qui la fait sonner), « ha ouai et « o-kané o dasasu no wa anata » ??!!» (et le pognon, c’est toi qui me le fait cracher ?!!! c’ est ça ? »
(ano kané : cette cloche, o-kané : l’argent)...quelqu'un me lance une corde?! , je sens que je m’enfonce... on me l'a pourtant toujours dit que c'était un gros risque (et l'assurance d'un bide monumental) que de raconter des blagues après coup, à l’écrit, hors-contexte et traduit d'une autre langue, mais j'en fais qu'a ma tête....
J'en profite pendant que j'y suis (j'ai dit "pouce"), il nous avait aussi sorti une blague à la Bigard, mais Bigard version japonaise c'est tellement incongru... (on venait à peine d’entrer dans le bar en plus)
Alors que l’amie qui était venue avec ses grands-parents essayait sans succès de se servir de l’appareil photo de son grand-père, une copine lui crie « mais le grand-père il avait levé le petit bitoniau !!! »
_ mais oui.., les grand-pères aussi ça leur arrive de lever le petit bitoniau de temps en temps.