Hier j'ai été invitée à l' une des home party hebdomadaires de cette merveilleuse maison du bonheur.
Un peu à l'exterieur du centre, on arrive sur un parking dans les hauteurs d'Hiroshima-Est, on prend un minuscule petit chemin non éclairé dans les bois, on monte un peu, et on tombe sur cette jolie maison de 2 étages, bien chauffée (de nombreux poëls) et joliement éclairée. C'est très chaleureux !
Ils vivent à 3 dans cette vieille maison (tout en washitsu : style traditionnel japonais avec tatamis et portes coulissantes à carreaux) et le loyer est dérisoire. Nao, presque la quarantaine, est photographe et journaliste, c'est elle qui m'avait interviewée pour le magazine MOV peu après mon arrivée. Les 2 autres locataires sont Itsu (il fait de la musique et tenait jusqu'à il y a peu un bar) et son petit frère Kuki que je ne connais pas.
Tous ces gens sont un peu la bande vaguement bab de nos amis. Ici pas de filles infantilisées, hurlant des kawaii à tout bout de champs et utilisant leur prénom à la place de "je" ;-) (celui a qui j'adresse ce clin d'oeil ce reconnaîtra !), pas de maquillage, le seul hurlement commun à tous les japonais que l'on retrouvera dans cette maison sont les "umaaaaai" et "oishiiiiiiiii" quand le nabe est servi. La maison est joyeusement en bordel, pleine d'instruments de musique et de livres, on y écoute surtout du reggae mais aussi du dub ou même de l'electro.
Contrairement à d'autres groupes de gens, les filles et le garçons se mélangent sans problème (peut-être rapport au fait que les filles de cette bande ne soient pas trop "girly" et ont un timbre de voix un peu plus grave que la moyenne des japonaises enre autre).
Airi, avec le bonnet bleu, une très bonne cuisinière
L'entrée avec le poël et le petit grill posée sur une table basse, sur lequel une bouilloire chauffe de l'eau en permanence : pour le thé mais aussi pour les boissons "yuwari" : en hiver on boit les alcools mélangés à de l'eau chaude.
Aoi en train de défaire des noix dont j'ai oublié le nom : des noix qui ressemblent à de grosses pistaches et dont l'intérieur est vert lumineux (si qqun d'attentif suit et peut m'informer ?), elles se mangent chaudes avec un peu de sel, c'est délicieux, il y a un tout petit arrière goût amer qui rend le tout sublime, pendant que les autres s'affairent pour les derniers préparatifs du nabe.
Nao, l'une des habitantes de la maison qui fait de même.
La maison est très en hauteur, tout un pan de mur est fait de portes vitrées coulissantes, et surplombe la ville. C'est très marrant de se sentir comme en pleine campagne et de voir au loin les buildings du centre-ville.
Ce soir nous avons mangé un délicieux karee-nabe (nabe au curry) avec de l'hakusai (choux chinoix), du poireau, du daikon, de la viande en fines tranches (shabu-shabu), des boules de viande, du poisson, 4 sortes de champignons (enoki, shimeji, shiitake et maitake, mes préféres) et des maroni (nouilles végétales) et du tofu...
Ume le chien (qui se prélassait sur le tapis chauffant, les animaux aussi s'y précipitent, il parait que les chats se planquent tous au chaud sous les couvertures des kotatsu : tables chauffantes équipées de couvertures), Daiji et Itsu, qui plannifiaient leur prochaine partie de pêche nocturne. Ce sera à la prochaine pleine lune en décembre, ils m'ont proposé de venir : on pêche sur la plage et on mange directement le poisson sur le barbecue.
Vitch et Aoi qui se refont une tournée de nabe en traitres
Kuri-kuri (Kurisu) qui se fait une petite sieste. Il n'y a pas que dans les transports et dans la rue que les japonais dorment. Dans n'importe quelle soirée, journée à la plage, camp, les dormeurs se relayent, ils tombent un par un comme des mouches.
Du mochi, boules de pâte de poudre de riz avec lesquels chaque année des grand-pères et des grand-mères meurent étouffés à la saison du jour de l'an - cela fait parti de la nourriture traditionnelle de Shogatsu : les 3 premiers jours de l'année pendant lequel le japon est totalement éteint, tout est fermé, les rues sont désertes, et on est censé ne pas cuisiner, un peu comme pour shabbat, mais bon tout le monde a éclaté de rire en disant "ça nous empêche pas de cuisiner nous !!", ce soir certains proposaient de passer shogatsu dans cette maison, et réfléchissaient aux plats qu'on allaient pouvoir se préparer
Le mochi, une fois le délicieux nabe terminé fut l'attraction de la soirée, tout le monde autour du grill, attendait attentivement la cuisson des mochi (qui gonflent à la chaleur), c'est rigolo à regarder, ensuite on les plonge dans une soupe "zenzai", une soupe sucrée de haricots rouge (azuki).
Ce soir Kuri-kuri nous avait rapporté un étange légume d'Hokkaido : une sorte de courge. Il nous a expliqué que cela se marait parfaitement au curry, ce qui tombait bien. On l'a donc découpé et plongé dans le nabe.
A un moment, qqun goûte et dit "haaa... non c'est pas encore hoku-hoku"
hoku-hoku?
Ce mot est l'un de ces fameux "gion" mot double basé sur les sonorités. Il en existe des centaines, certains répértoriés dans les dictionnaires ou utilisés très fréquemment, mais il y a aussi des spécificités régionales et on peut aussi en inventer. Ce qui est surprenant, c'est que lorsque qqun en invente un, tout le monde comprend immédiatement. Certains sont faciles à comprendre, soit de par la sonorité évidente ou de par le contexte dans lequel il est utilisé : saku-saku : croustillant, bero-bero : bourré, giri-giri : de justesse, goro-goro : qui roule, bisha-bisha : tout mouillé, puchi-puchi : le bruit des bulles de sacs à bulle qui éclatent, tama-tama : par hasard, waza-waza : exprès, bata-bata ; très occupé dans tous les sens, pika-pika : brillant... la liste est très longue et parfois la situation décrite par ces gion peut être très précise, ça peut-être une humeur, un sentiment : doki-doki : être impatient de qqch mais ému à la fois...
Voici quelques exemples tirés d'un de mes livres de japonais (que je n'ai pas forcément entendu en réalité mais pour vous donner une idée de la complexité)
gakun : perdre soudain toute envie de faire qqchose
kotsu-kotsu : faire des efforts intenses mais sans grandes envolées
jiiii : regarder inquisitivement, comme en attendant qqchose
gui : se cramponner à qqchose de flexible (si la chose n'est pas flexible se sera un autre mot)
peta : adhérer à une surface plate
nita-nita : sourire sinistre comme cachant un secret
zoro-zoro : un groupe de personnes vient avec décision
Le pire c'est que quand on demande à un japonais le sens d'un de ces mots, cela lui parait tellement évident qu'il est incapable de donner une explication sans réutiliser le mot en question.
"hoku-hoku? ben.... ben... ben quand tu le manges ça fait hoku-hoku quoi !.. tu vois heu... hoku-hoku!!"
Un jour sur un menu je lis "crevettes puri-puri" je demande à ma copine, elle me répond "ben! ben... les crevettes elles sont puri-puri, tu dois bien comprendre avec le son, c'est évident!! ben oui puri-puri!!" elle m'a finalement fait une comparaison avec la consistance d'un pudding (qui se prononce "purin" en japonais si je ne dis pas de connerie)
Une fois à l'hôpital, une infirmière me faisait une piqure et me demandait si mon bras ne faisait pas "piri-piri" j'avais bien une idée du sens (picotements j'imagine ou qqch comme ça) mais dans le doute j'ai préféré dire que je ne comprenais pas ce mot, desfois qu'une mauvaise réponse m'aurait mené direct aux urgences !
Une autre fois une copine mangeait du concombre et dit "whaou! c'est super pokori-pokori" je rigole et une copine m'explique que le mot venait d'être inventé pour la situation précise du moment, elle me demande si en français ça existe et je lui dis que oui mais en très petite quantité, la 1ere copine se rapproche de moi et croque le concombre à côté de mon oreille pour me faire constater le "pokori-pokori", je lui dis.. ben moi j'entends plutôt "skrountch-skrountch" (imprononçable pour un japonais !), mais pokori-pokori c'est cool aussi